La Table de Teschen

Fondation La Marck

 

Un symbole de la paix et de l'unité en Europe va entrer au Musée du Louvre

 

La Fondation de Luxembourg est heureuse et fière d'avoir pu, à travers sa fondation La Marck, participer à l'acquisition par le Musée du Louvre de la Table de Teschen, dite aussi Table de Breteuil, un symbole éminent de paix et d'unité en Europe.

 

C'est en 1779 qu'elle a été réalisée par Johann Christian Neuber sur commande du prince-électeur de Saxe, Frédéric-Auguste III, pour être offerte au baron de Breteuil, en remerciement de ses bons offices pour mettre fin à la guerre dite de succession de Bavière opposant l'Autriche à la Prusse. Cette guerre n'avait duré qu'une dizaine de mois mais elle avait été meurtrière. La Saxe y était impliquée en raison des nombreux liens familiaux entre l'électeur de Saxe, celui de Bavière et les Habsbourg, et de la menace que faisaient peser sur ses intérêts les tentatives hégémoniques de l'Autriche.

 

Bien que beau-frère de l'empereur Joseph II, Louis XVI avait refusé de prendre parti et d'adopter une attitude belliqueuse. Il est vrai qu'il était aussi le fils d'une princesse de Saxe. Peut-être avait-il également tiré la leçon des guerres ruineuses menées par ses ancêtres. Toujours est-il qu'il avait proposé une médiation, confiée à son ambassadeur à Vienne, le baron de Breteuil. Et cette médiation avait été acceptée d'autant plus facilement que l'impératrice douairière, la grande Marie-Thérèse, était nettement plus prudente que son fils. Le travail remarquable accompli par le baron de Breteuil avait permis d'aboutir à un accord signé le 13 mai 1779 à Teschen, localité actuellement en Pologne.

 

Il s'agit donc d'un jalon de plus dans la marche vers la paix du vieux continent, une marche qu'on a pu croire achevée avec la construction européenne, mais on sait maintenant qu'il existe toujours des risques et que la paix n'est jamais acquise définitivement. Gardons-nous donc d'oublier les leçons du passé, et saluons le geste de l'ambassade d'Allemagne à Paris, qui a décidé de s'associer à l'opération.

 

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'auteur de ce chef-d'œuvre n'était pas un ébéniste mais un joaillier. Johann Christian Neuber était même depuis 1775 le joaillier officiel de la cour de Dresde. Sa spécialité était la fabrication de tabatières ornées de pierres fines et il était passé maître dans l'art du serti invisible ainsi que de la mosaïque de pierres (steinzelle mozaïk). De son enfance dans le massif de l'Erzgebirge à la frontière de la Bohème, où abondaient les mines de pierres semi-précieuses, il avait gardé un goût profond pour la minéralogie, domaine dans lequel il était devenu un véritable expert. La plupart des 128 échantillons de la Table de Teschen sont d'ailleurs issus de cette région. A Dresde, dans le palais de l'électeur, il y avait une salle célèbre, dite la Voûte verte (Grünes Gewölbe) à cause de son plafond orné de malachites, où était installé un des plus grands cabinets de curiosités d'Europe, ouvert à la visite, qui avait aussi nourri l'inspiration de Neuber. Il a d'ailleurs travaillé à son aménagement. Mais il a surtout réalisé des objets et très rares sont les meubles qui lui sont attribués. Celui-ci est sans doute le plus beau, encore rehaussé par la présence de médaillons en porcelaine, de Saxe naturellement !

 

Cette acquisition n'aurait pas été possible sans l'appui du vendeur, Henri-François de Breteuil, qui a préféré attendre que le Louvre soit décidé à y procéder plutôt que de laisser ce meuble partir en mains privées. Depuis qu'il a repris en 1967 le château familial en vallée de Chevreuse, il se bat au quotidien pour l'entretenir, y créer des animations et rendre aux jardins leur ancienne splendeur, un véritable sacerdoce mais qui contribue à donner au monument ce supplément d'âme que seule une famille peut lui donner. Clin d'œil de l'histoire, c'est dans ce château qu'ont eu lieu les premières réunions devant mener à l'Entente cordiale entre la France et l'Angleterre, comme quoi la famille de Breteuil a continué à œuvrer pour la paix en Europe après le XVIIIe siècle.

 

 

 

La table de Teschen © 2014 Musée du Louvre / Philippe Fuzeau

 

 

 

 

             

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