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Six plaques de Jean II Pénicaud pour Saint-Martial de Limoges
Le 26 juin 2024, Laurence Fligny présentait une belle vente de haute époque chez Giquello. Le Louvre a sursauté quand nous lui avons parlé des six plaques de Jean II Pénicaud pour Saint-Martial de Limoges. Françoise Barbe a dit qu’il n’était pas question d’accepter car le MBA Limoges avait la priorité, à la fois parce que l’ensemble auquel elles appartenaient était resté dans l’abbaye Saint-Martial de Limoges sans doute jusqu’à la Révolution avant d’être dispersé, et parce que le musée de Limoges en avait déjà racheté deux. Seize plaques ont été recensées par Véronique Notin, directrice du MBA en 2014, dont une au British Museum, deux anciennement dans la collection Rothschild et rachetées par le MBA Limoges lors d’une vente Christie’s de novembre 2014, et six passées par la collection Bardinet (le rhum Negrita), puis la collection Paul-Cavallier (fonderies de Pont-à-Mousson). Ce sont ces dernières qui étaient proposées lors de la vente Giquello.
Le directeur des OA du Louvre a renchéri en nous demandant instamment de venir à l’aide de Limoges, qui, malgré l’aide du fonds du Patrimoine, avait mobilisé des fonds qui n’équivalaient même pas à trois fois le prix d’une plaque Rothschild. Bien que ne travaillant pas avec ce musée, nous avons accepté, conscients que nous étions en face d’un véritable trésor national, qui ne pouvait manquer d’attirer l’attention des musées étrangers et des galeristes spécialisés. Mais le jour de la vente, il s’est passé le même phénomène que pour la table de Mallet-Stevens un mois auparavant (voir Château de Rambouillet et CMN), la prudence, voire l’abstention des marchands a permis une adjudication à un prix inespéré.
Nous aurions pu nous retirer puisque le prix payé était inférieur au budget d’origine. Nous avons préféré proposer au MBA de prendre la place du fonds du Patrimoine afin de préserver ses ressources. Cette solution a été acceptée par Limoges et appréciée par le SMF ! En compensation pour les acteurs locaux, nous avons proposé de participer au financement de leur restauration, car à la différence des deux plaques Rothschild, celles que nous venions d’acheter n’avaient jamais été restaurées et des altérations des bordures de certains manteaux sont visibles. Les scènes de l’histoire de saint Martial représentées sont les suivantes :
Saint Martial enfant assiste au miracle de la multiplication des pains
Saint Martial enfant est béni par le Christ
Saint Martial ressuscite Austriclinien (son disciple, lui aussi canonisé)
Dieu apparaît à saint Martial et ses compagnons devant Limoges
Saint Martial prêchant
Dieu apparaît à saint Martial pour lui annoncer sa mort prochaine.
Une des plaques porte la marque de la famille Pénicaud, PL couronné, et deux autres sont datées 1544. La quatrième, celle où Dieu apparaît à saint Martial, est un document iconographique de première importance puisqu’on y voit en toile de fond la ville de Limoges, où l’on reconnaît précisément l’abbaye Saint-Martial à gauche.
⁎
Le mardi 27 mai 2025, il y avait chez Coutau-Bégarie une vente de haute époque dont l’expert était Benoît Bertrand. Le dimanche précédent, il nous envoie un message urgent pour nous signaler qu’à l’exposition de la veille un de ses visiteurs a reconnu dans deux grands panneaux de noyer Renaissance des motifs qu’il a vu reproduits sur des moulages à la Cité de l’Architecture (voir photos). Et effectivement ce sont les mêmes motifs décoratifs avec tout le répertoire des grotesques, angelots, rinceaux feuillagés, volatiles et pampres. Les moulages ont été faits à partir de bas-reliefs du jubé de la cathédrale de Limoges et Benoît Bertrand, qui connaît notre activité de mécénat, pense qu’il faudrait les faire acquérir par le MBA de Limoges. Mais nous voyons mal comment on pourrait boucler un dossier en 24h. Nous avions tort : le lundi matin, François Lafabrié nous assure pouvoir obtenir l’accord de la mairie avant la vente ; il est entendu qu’on fera l’impasse sur la préemption, impossible à obtenir en si peu de temps. Nous sommes agréablement surpris par cette réactivité et on convient de passer par un téléphone de l’expert, parfaitement au courant des enjeux. Ce dernier décide de ne rien dissimuler de ces découvertes (au passage, chapeau bas pour l’œil du visiteur) et rectifie sa notice ainsi que la présentation orale du lot. Malgré cela, on l’obtient dans la fourchette de l’estimation.
Reste tout le travail de recherche pour comprendre l’usage des bas-reliefs. Deux hypothèses sont formulées par l’expert et le conservateur : des modelli pour le jubé, ou une réutilisation de ces modèles pour des meubles ou des boiseries. Du fait de notre implication de longue date auprès du département des Sculptures du Louvre, nous faisons appel aux lumières de leurs éminents spécialistes. Geneviève Bresc rejette l’idée de modelli qui sont généralement en terre et croit beaucoup plus à la seconde hypothèse. Sophie Jugie nous remercie pour ce signalement et trouve le sujet très intéressant. Nous revenons donc vers François Lafabrié et lui proposons d’explorer une piste logique : comme le jubé a été commandé à Jean Arnaud, imagier à Tours, par Jean de Langeac, évêque de Limoges à la suite de notre parent, Antoine Lascaris de Tende, et que cet évêque a en même temps fait construire un nouveau palais épiscopal, il serait logique de voir les panneaux (venant de quatre connus au XIXe) destinés à ce palais et fournis par le même Jean Arnaud. Jean de Langeac, plus qu’un évêque de province, avait été l’aumônier de François 1er et son conseiller pour les affaires diplomatiques, chargé de nombreuses missions à l’étranger. Quant au palais en question, il était inachevé à la mort de Langeac en 1541 et n’a pas servi deux siècles ; déjà délabré au XVIIIe, il a été remplacé en 1773 par un nouveau et imposant bâtiment qui est actuellement le musée des Beaux-Arts. Les archives et le terrain (le musée conserve des boiseries anciennes) permettront peut-être d’avancer. Une analyse dendrochronologique nous fixera sur la validité d’une utilisation de l’époque, même si l’expert ne voit pas ces panneaux comme XIXe en raison de leur patine. Mais il s’agit, en tout état de cause, d’un beau sujet à creuser, susceptible de faire progresser l’histoire de la sculpture autant que celle de Limoges.