Bourses Bari pour les Compagnons du Devoir

Fondation La Marck

L'association des Compagnons du Devoir forme l'élite des artisans français : ébénistes, menuisiers, peintres, carreleurs, plâtriers, tailleurs de pierre, métalliers, maçons, charpentiers, couvreurs, plombiers, tapissiers, maroquiniers, cordonniers, selliers, vignerons, tonneliers, jardiniers, boulangers, pâtissiers, carrossiers, chaudronniers, mécaniciens, forgerons, fondeurs...

 

On connaît la formule : elle passe par une formation en alternance donnant l'accès à un CAP,  voire plus, et le fameux Tour de France, où l'apprenti passe d'atelier en atelier, avec des maîtres d'apprentissage chargés de sa formation ultime avant sa réception solennelle comme compagnon, occasion pour lui de démontrer son savoir-faire en réalisant un chef d'œuvre. Tout au long de son parcours, le jeune est hébergé dans des maisons des compagnons. Il y a à l'heure actuelle dix mille jeunes en formation et 90% trouvent un emploi  à la fin de cette formation.

 

Les dirigeants de l'association des Compagnons du Devoir ont eu l'ambition d'aller plus loin, partant de la constatation qu'il manquait aux jeunes des connaissances en architecture leur permettant de comprendre les contraintes architecturales dans l'exercice de leur métier, voire d'offrir à leurs clients une gamme de services plus large. C'est l'École polytechnique de Bari, dans le sud de l'Italie, qui était le mieux à même de répondre à cette demande car elle a développé une formation spécialisée, un cours d'enseignement supérieur en Architecture et Restauration (CESAR), sous la direction du professeur Giuseppe Fallacara. En outre, à quelques kilomètres de Bari, les Compagnons ont créé une entreprise, Roméo, qui propose des produits et services à haute valeur technologique pour la construction, l'aménagement et le design. Cette entreprise est à même d'accueillir des stagiaires en formation. L'association des Compagnons du Devoir n'est pas reconnue comme un établissement d'enseignement supérieur ; en conséquence, elle ne peut recourir à des financements de bourses de type Erasmus. La fondation La Marck a donc décidé d'intervenir pour financer ces bourses, tenant compte de l'importance de la démarche et du mérite des étudiants, qui doivent non seulement quitter un an leurs activités mais aussi se mettre en accéléré à la pratique de l'italien.

 

En 2016-2017, trois jeunes ont été sélectionnés, dont l'âge allait de 23 à 30 ans, qui avaient déjà une maîtrise de la CAO et un cursus bien fourni :

 

- Marc, menuisier, passé par neuf entreprises en France et deux en Nouvelle-Zélande

- Vincent, menuisier, spécialiste de l'agencement intérieur, passé par divers bureaux d'études et ateliers en France et au Royaume-Uni

- Rémi, tailleur de pierre et marbrier, travaillant depuis 2008 sur divers chantiers publics et privés.

 

Dans le cadre de la formation CESAR et autour, les boursiers se sont vu offrir quatre types d'activités :

 

1) techniques de la construction antique : cours magistraux (les techniques de construction grecques  et romaines, les systèmes de couverture en pierre, les matières végétales et les métaux en architecture...), stages de fouilles archéologiques en Europe du sud (Italie et Grèce principalement), et conférences thématiques,

2) modélisation 3D et fabrication digitale, théorie et pratique. Usage du logiciel Rhinocéros et du plug-in Grasshopper,

3) projets individuels de recherche, sous la direction du professeur Fallacara,

4) stages dans les ateliers Roméo, pour l'apprentissage de la modélisation 3D et la réalisation des projets individuels.

 

Le projet de Marc, intitulé Lithic Dragonfly, consistait à fabriquer une structure auto-équilibrée dont le design s'inspire des lignes d'une libellule. Cette structure est en bois (à la différence du modèle original  en pierre) et pivote sur son axe.

 

Celui de Vincent, Responsive Skin, est une sorte de peau architecturale qui contrôle l'aération et la lumière à l'intérieur d'un bâtiment. Le système est automatisé grâce à l'utilisation d'un microcontrôleur programmé, d'une diode photosensible et d'un petit moteur.

 

Enfin, Vincent et Rémi ont uni leurs compétences pour réaliser un Stone Laminated Helicoïdal Stair, en appliquant la technique bien connue du lamellé-collé à la pierre, ce qui est une grande innovation : des lamelles de pierre ultrafines sont collées sur une âme de fibre de carbone et cintrées à la forme désirée en une seule opération. Le résultat est superbe !

 

L'importance de la démarche et la qualité des participants ont incité la fondation La Marck à renouveler l'opération. 

 

En 2018, quatre jeunes ont été sélectionnés, Chloé, Maxime, Isabeau  et Lucile, une promotion très féminine donc, phénomène encore rare dans ces métiers mais où les femmes n'hésitent plus à jouer des coudes pour se faire une place.

 

Chloé est compagnon serrurier. Son projet, qui s'inscrit dans l'univers des ponts, est inspiré des travaux de Léonard de Vinci. Elle propose une combinaison de tubes métalliques et de nœuds de connexion permettant la rotation nécessaire au montage du pont.

Elle utilise le logiciel Rhinoceros pour la modélisation en 3D et la réalisation du prototype en impression 3D, à partir duquel les pièces pourront être usinées.

 

                                                             

 

Maxime est compagnon menuisier. Son projet est un moucharabieh cinétique: c'est-à-dire un volet laissant passer l'air et une lumière tamisée, et que l'on peut mettre en position ouverte ou fermée. Il est composé d'un ensemble de pièces en forme d'hexagones et de triangles, liées entre-elles par des charnières, assurant la mobilité de l'ensemble.

Ce volet a été paramétré et modélisé en 3D avant d'être réalisé en contreplaqué par découpe laser.

 

                                                      

 

Isabeau est aspirant tailleur de pierre. Son projet est basé sur la technique de l'Hypar Vault, ou voûte hyperbolique paraboloïde composée de losanges dont on peut faire varier la taille à son gré en paramétrant le logiciel de conception. Cette technique développée à Troyes en 2017 a été reprise par le professeur Fallacara à Bari en 2018 et Isabeau y a participé. La voûte a été recouverte d'une verrière agrafée.

 

                                                 

Lucile est aspirant menuisier. Elle s'est interrogée sur le moyen de faire face aux situations d'urgence face aux catastrophes naturelles, en concevant des logements pour les personnes sans abri qu'on peut monter soi-même.

Sa solution, Intramuros, architecture d'urgence, consiste à réaliser avec le logiciel Rhinoceros et le programme Grasshopper des modules en bois, qui, mis côte à côte, forment des pièces. L'assemblage, sans clous ni vis, se fait par scratch. Il est donc à la portée de tous et se démonte aussi facilement.

 

                                                     

 

En 2019, deux jeunes ont été sélectionnés, Maxime, un tailleur de pierre, et Martin, un menuisier.

 

Ils se sont associés pour un projet local : à Alberobello, la basilique des saints Côme et Damien, construite au XIXe siècle, n’a toujours pas de dôme. Nos deux compagnons ont proposé une restitution du dôme de la basilique sur la base des plans de l’architecte, en utilisant des matériaux traditionnels (bois, cuivre) et modernes (un complexe pierre plus géopolymères en panneaux préfabriqués). Comme ils le disent, un projet d’étude qui mêle tradition et innovation, passé et présent, pour rendre à la basilique sa coupole.

 

                                 

 

En 2020, la promotion était de six jeunes : Simon et Théophile, tailleurs de pierre, Victor, Louis et Timothée, menuisiers, Léo, serrurier.

 

Pour éclairer de l’intérieur les pierres, Simon a créé un prototype de luminescent geometric stone à partir de plaques de marbre de Carrare incisées en suivant un motif géométrique, de bandes leds et d’un feuillet d’aluminium pour homogénéiser la lumière sur toute la surface de la pierre.

 

                                                    

 

Louis et Timothée se sont associés dans le projet Flying Musmeci, en hommage à l’architecte italien Sergio Musmeci. Il s’agit d’une sculpture de grande dimension en contreplaqué faisant largement appel aux outils numériques présents à Bari pour la modélisation et la fabrication.

 

                                              

 

Théophile a conçu un abribus parasismique, Abriflex. Bien qu’en pierre massive, les piliers résistent aux chocs car ils sont montés sur un lit de billes d’acier. C’est encore un exemple de l’utilisation du logiciel Grasshopper pour les travaux complexes.

 

                                                

 

Léo a réalisé un Origami stairs, escalier à base de tôles pliées qui s’emboitent, ce qui permet de donner une forme courbe au traditionnel escalier à vis. Le résultat est plus esthétique et rend la montée plus confortable.

 

                                                      

 

Victor a conçu un jeu de construction pédagogique pour initier les enfants aux structures architecturales : Gumi. Le nom vient du japonais Kigumi, qui désigne des assemblages traditionnels en bois. Ce jeu intuitif, qui peut aussi servir aux adultes, a été réalisé dans un atelier de fabrication digitale coopératif.

 

                                               

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

               

 

 

 

             

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